vendredi 12 septembre 2008

Deux nouveaux films de Tourneur en DVD

Pure coïncidence : deux films de Jacques Tourneur jusqu'alors inédits en DVD vont faire leur apparition le 16 septembre 2008.

En France, les Éditions Montparnasse éditerons La Vie facile/Easy Living (1949), drame sous-estimé avec Victor Mature, Lucille Ball et Lizabeth Scott. Le DVD offrira le choix (?) entre la version originale sous-titrée et un doublage français ainsi que présentation de Serge Bromberg.

De l'autre côté de l'Atlantique, VCI Home Video sortira Stranger on Horseback (1955), western avec Joel McCrea. Jusqu'à présent, la seule façon de se procurer le film en vidéo était de se tourner vers le grey market où circulait une version issue d'une copie 16 mm très abîmée, en noir et blanc et recadrée. Le DVD de VCI sera au format 1,66 (encodé en 16/9ème) et en couleurs. Il proposera une piste anglaise (dépourvue de sous-titres) ainsi que quelques bonus : la bande annonce (également visible ici), une biographie sonore de McCrea, un making of (lui aussi uniquement sonore) et des épisodes de l'émission radio Tales of the Texas Rangers. DVD Verdict et Film Treath ont déjà mis de courts comptes rendus en ligne.


vendredi 16 novembre 2007

Jacques Tourneur, les figures de la peur sur DVD Classik

DVD Classik a mis en ligne aujourd'hui même un compte rendu détaillé de Jacques Tourneur, les figures de la peur. François-Olivier Lefevre y retient « la qualité, l'originalité et l'importance du travail réalisé ». Lisez sa critique et n'hésitez pas à prolonger ensuite votre visite du site.

lundi 12 novembre 2007

Critique de Jacques Tourneur, les figures de la peur dans Positif

Spécialiste incontesté du cinéma américain, Jean-Loup Bourget vient de publier la première véritable critique de Jacques Tourneur, les figures de la peur dans le numéro 561 de la revue Positif (novembre 2007, page 82). Il estime notamment que le livre, écrit avec élégance, offre des analyses précises et fines. Jean-Loup Bourget regrette seulement qu'une petite poignée de films ne bénéficie pas d'une attention suffisante. Cette faute, reconnue bien volontiers, sera très bientôt réparée en ce qui concerne Angoisse

vendredi 13 juillet 2007

Master Will Shakespeare (1936) en DVD !

Le 14 août prochain, Warner Home Video sort aux États-Unis un coffret DVD d'adaptations de William Shakespeare, Shakespeare Collection. Parmi les suppléments présents sur le disque du Romeo & Juliette de 1936, on trouvera le court métrage Master Will Shakespeare, réalisé la même année par Jacques Tourneur pour la MGM. Comme pour Romance of Radium (1937), proposé sur le DVD de Madame Curie (1943), aucun sous-titre ne sera offert, mais il s'agit là d'un bonus de choix.

jeudi 12 juillet 2007

La Flèche et le flambeau (1950) en DVD

Dans le dernier numéro des Années Laser (n° 133, juillet/août, p. 10), la parution en DVD de La Flèche et le flambeau (1950) est annoncée d'ici la fin de l'anné 2007. L'éditeur n'est malheureusement pas précisé. À suivre…

Ci-dessous, un détail d'une photographie de plateau du film. Entre Tourneur et Burt Lancaster, le clap laisse apparaître son titre de travail : The Hawk and the Arrow.

jeudi 21 juin 2007

Tuer dans Le Passage du canyon (1946)

À l'occasion de la sortie française en DVD du Passage du Canyon (G.C.T.H.V.), je vous propose un court extrait de mon livre (pp. 78-79) :




Dans Le Passage du Canyon, premier western et long métrage en couleur du réalisateur, la perpétration de deux meurtres vient perturber la relative tranquillité d’une petite communauté de l’Oregon, celui, nocturne, d’un chercheur d’or commis par le banquier George Camrose (Brian Donlevy) et celui, diurne, de deux jeunes Indiennes par la brute Honey Bragg (Ward Bond). Tourneur prive à nouveau les spectateurs du moment même où le drame se déroule, privilégiant cette fois le personnage menaçant au détriment des infortunées victimes. Dans le roman d’Ernest Haycox, également auteur du livre qui fut à l’origine de La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939) de John Ford, l’assassinat de McIver (Wallace Scott) par Camrose est au contraire narré avec une profusion de détails crus :



Camrose glissa rapidement le revolver sous la ceinture de son pantalon et traversa la bande de gravier avec la vivacité d’un chat. Il fit du bruit en arrivant au-dessus de McIver. Il tomba sur McIver, enfonçant ses genoux dans le dos de l’homme alors que ce dernier essayait de se tourner et de s’éloigner de l’eau ; il se plaqua contre le corps violemment agité de McIver, posa son avant-bras à l’arrière du cou de l’homme et le força à plonger la tête dans l’eau et contre le gravier. Il lutta contre les puissants spasmes musculaires de McIver et les sentit diminuer d’intensité ; il entendit l’étrange bouillonnement mousseux monter de la bouche de McIver — un son si effroyable et anormal que cela lui souleva le cœur et qu’il ressentit une faiblesse. Cela ne dura pas longtemps. Étendu sur McIver, il sentit peu de temps après tout mouvement et toute vie s’éteindre…

Certes, le code de production hollywoodien n’aurait jamais permis la transposition littérale de cette description très réaliste d’un point de vue tant sonore que visuel. Tandis que l’agression entraîne naturellement dans le roman résistance, fuite ou encore lutte de la part des différentes victimes, l’acte meurtrier prolongé se voit écarté chez Tourneur au profit de l’instant où la décision de son accomplissement germe et s’implante dans le personnage. Celui-ci est alors montré s’avançant d’un air imperturbable et à pas comptés vers la caméra. Toutefois, même dans un tel contexte de production, le traitement de cet épisode violent — et de celui mettant en scène Bragg (1) — n’impliquait pas par nécessité une ellipse totale de ce qui constitue un pivot narratif du film. Ce faisant, s’opère un décentrage, puisqu’il ne s’agit pas tant de dissimuler un événement (un meurtre crapuleux dans le cas de Camrose) que d’en montrer un autre (un homme prenant la décision de tuer l’un de ses semblables) : la pensée de l’acte devient plus effrayante que l’acte lui-même. C’est sans doute à cette scène que fait allusion Fujiwara, lorsqu’il affirme que Tourneur « photographie l’intention de Donlevy dans Le Passage du Canyon » (2). L’expression ainsi que le corps du personnage et sa position par rapport à la caméra suffisent à eux seuls à engendrer un sentiment de peur. Camrose possède une démarche lente dont la raideur est soulignée par la musique de bastringue provenant du saloon et que l’on entend en son off durant toute la scène ; cette apparence quasi mécanique l’éloigne quelque peu de l’humain et tend à lui conférer une partie de l’ambiguïté essentielle des morts-vivants de Vaudou. Montrer le meurtre de McIver tel qu’Ernest Haycox le dépeint aurait été seulement atroce ; le suggérer de cette manière s’avère terrifiant. (3)

(1) : Fujiwara a cité un extrait d’une lettre de Joseph I. Breen, datée du 24 juillet 1945, dans laquelle le directeur du Production Code Administration fait les recommandations suivantes : « Il sera inadmissible de montrer ou de suggérer que les deux Indiennes se baignent entièrement nues. Leur personne doit être couverte de manière adéquate à tout moment. De plus, l’expression sur le visage de Bragg, tandis qu’il poursuit les filles, ne doit pas être trop lascive ». Chris Fujiwara, Jacques Tourneur: The Cinema of Nightfall, Jefferson et Londres, McFarland and Company, 1998, p. 295. Les inquiétudes du censeur portent ici davantage sur des questions de nudité et d’expression d’un désir sexuel concomitant que sur les problèmes relatifs à la représentation d’un acte violent.

(2) : Fujiwara, op. cit., p. 121.

(3) : L’escamotage des meurtres permet aussi de relativiser le degré de corruption morale de leurs auteurs, voire de mettre momentanément en doute leur réalisation effective.


© Frank Lafond / Presses Universitaires de Rennes (2007)

samedi 9 juin 2007

Beating the Devil : The Making of Night of the Demon, par Tony Earnshaw

(National Museum of Photography, Film & Television,
Tomahawk Press, 2005)




Il existe finalement peu de films relevant de l’horreur ou du fantastique à même d’activer le débat qui oppose fort classiquement esthétique de la monstration et art de la suggestion aussi bien que Rendez-vous avec la peur (Night of the Demon). Le début et la fin de cette histoire installent en effet sur le devant de la scène une créature monstrueuse, en pleine lumière et parfois en (très) gros plan, tandis que le détour, l’ellipse, la litote, etc. y prédominent partout ailleurs sous les formes les plus variées. Débauche visuelle contre principe de retenue donc, avec tous les présupposés attachés aux deux membres de cette dichotomie : la première démarche s’adresserait à un public composé d’enfants et d’adolescents, dont seule une réponse d’ordre physique serait requise ; considérée comme de meilleur goût, la seconde traduirait quant à elle une conception adulte, intellectuelle du genre. Depuis sa sortie sur les écrans anglais en décembre 1957, Rendez-vous avec la peur a acquis le statut de film culte. Si le démon du feu qu’il offre sans la moindre économie aux spectateurs est devenu, au fil du temps, une icône du genre (jusqu’à être cité, sans aucune raison apparente, dans un médiocre slasher tel que Souviens toi… l’été dernier 2 de Danny Cannon [1998]), les spéculations les plus variées sont allées bon train au sujet du différent ayant, semble-t-il, divisé son producteur et son réalisateur lors du tournage. Fortement associé au fantastique herméneutique des longs métrages produits par Val Lewton dans les années quarante pour la RKO, Jacques Tourneur aurait souhaité en reconduire la délicate esthétique, mais il se serait heurté in fine aux considérations bassement commerciales de Hal E. Chester. Les divers propos tenus par le réalisateur lui-même abondent dans ce sens. Remarquez, par exemple, son insistance sur l’ambiguïté de la perception du phénomène fantastique par le spectateur :

Je voulais, tout à fait à la fin, lorsque le train passe, inclure seulement quatre images du monstre soulevant le type et le jetant au sol. Boum, boum — L’ai-je vu ou ne l’ai-je pas vu ? Les gens auraient dû regarder le film une seconde fois pour être certains de ce qu’ils avaient vu.
(Joel E. Siegel, « Tourneur Remembers », Cinefantastique, volume 2, n° 4, été 1973, p. 25).

Quoi qu’il en soit, Chester a eu le dernier mot et aurait inséré les plans incriminés après le départ du metteur en scène ou bien ce dernier, contraint et forcé, n’aurait que partiellement donné son accord, etc. Bref, la version des faits racontée par Tourneur varie quelque peu d’un entretien à l’autre et l’on mesure alors bien tout l’intérêt qu’il y aurait à connaître enfin la vérité sur cette sombre histoire, ce à quoi vise explicitement la monographie écrite par Tony Earnshaw.

Passé un avant-propos de la plume du réalisateur Alex Cox, qui rappelle le rôle de la censure dans la genèse de Rendez-vous avec la peur en soulignant la différence de traitement qui existe en Grande-Bretagne entre art destiné aux élites et divertissement offert aux masses populaires, une longue introduction revient sur l’auteur de la source littéraire du film, la nouvelle Casting the Runes. De manière érudite, Christopher Frayling évoque ce que fut le premier public des textes de Montague Rodes James — une assemblée d’universitaires de Cambridge — ainsi que les partis pris esthétiques de l’écrivain, afin de mettre en évidence ce qui distingue son conte de Noël du film réalisé par Tourneur à destination des salles de cinéma populaires et notamment des drive-in.

Vient ensuite le coeur même de l’ouvrage, travail de recherche s’efforçant de rétablir la vérité tapie derrière le mythe à partir de précieux documents inédits et de nombreux témoignages. Ancien collaborateur d’Alfred Hitchcock (L’Homme qui en savait trop [1934] ou encore Les 39 marches [1935]), Charles Bennett adapte la nouvelle de James en 1954 sous le titre The Bewichted. À l’aide d’extraits de comptes rendus, Earnshaw retrace alors les difficultés que le script rencontre avec le British Board of Film Censors, auquel il est soumis dès le 10 janvier 1955, ainsi qu’avec la Motion Picture Association of America. Le verdict du BBFC tombe sans appel : tout film basé sur le scénario de Bennett ne pourra qu’être classé X, en vertu de son sujet même (les pratiques d’un culte satanique) et de tout ce que celui-ci implique. On trouve par exemple à redire aux « effets terrifiants » devant être produits par la musique (p. 13) et, plus largement, à tout le traitement du son (utilisation des cris, etc.), mais également à la présence d’un tableau représentant une messe noire, détail sur lequel se cristallisera jusqu’au bout l’attention des différents lecteurs. Les divers rapports cités permettent aussi d’entrevoir, certes de façon fragmentaire et indirecte, à quoi ressemblait le scénario original avant que l’Américain Chester ne commence à lui faire subir certaines modifications. Dans la version signée par le seul Bennett, le personnage de John Holden, qu’incarnera Dana Andrews, se rendait ainsi en Grande-Bretagne non pas pour mener une investigation sur des pratiques démoniaques, mais pour participer à un championnat de golf, sous-intrigue plus légère qui fut écartée quand les producteurs se résolurent à accepter la classification X et envisagèrent de distribuer le film en double programme. À l’inverse, alors que dans un premier temps Julian Karswell terrifie les enfants réunis pour la fête d’Halloween qu’il organise dans son domaine, comme son homologue littéraire, il finira par se livrer devant eux à d’innocents tours de magie. Le BBFC estima en effet qu’un comportement agressif envers des invités aussi jeunes qu’innocents était purement et simplement intolérable.

Il apparaît aussi — et surtout — que la manifestation d’une créature monstrueuse en début et fin de métrage était prévue bien avant le début du tournage lui-même, sous l’impulsion directe de Chester et avec la complicité de son représentant anglais Frank Bevis. Réalisateur américain alors inscrit sur la liste noire et ami de longue date du producteur, Cy Endfield aurait pour sa part non seulement apporté sa touche au scénario, intervention déjà connue de tous les tourneuriens, mais il aurait aussi peut-être contribué à la confection de tous les plans du démon, sans qu’il s’avère toutefois possible de déterminer avec exactitude le rôle qu’il a tenu. Les propos de Jacques Tourneur, qui rejetait sur Chester l’entière responsabilité de ce qu’il considérait être l’échec partiel de Rendez-vous avec la peur, se trouvent ainsi contredits, à l’instar de la chronologie jusqu’alors tenue pour certaine.

C’est sous le titre de The Haunted que le scénario fut présenté une dernière fois au BBFC et que le tournage eut lieu, mais Earnshaw élude la question de l’ultime changement de titre. En revanche, il confirme que, lorsque les opinions de Chester et Endfield commencèrent à diverger, Tourneur lui-même travailla sur le script. Dans le reste du livre, les anecdotes fusent, notamment sur les difficultés provoquées par l’alcoolisme de Dana Andrews, et il ne s’agirait là que de détails sans grande importance, voire, pire encore, de curiosité sordide, si Hal Chester ne se plaisait à assurer que l’état d’ébriété avancé de l’acteur altéra la dernière réplique de Rendez-vous avec la peur (p. 64). Se tournant vers Joanna Harrington (Peggy Cummins), John Holden devait en effet lui déclarer : « Il vaut peut-être mieux que vous ne sachiez pas » (« Maybe it’s better you didn’t know »), en référence aux véritables causes du décès de l’oncle de la jeune femme, survenu dans les premières minutes du film, et non « Il vaut peut-être mieux ne pas savoir » (« Maybe it’s better not to know »), comme tout spectateur attentif s’en souviendra sans doute. Si le producteur dit vrai, nous nous trouvons là en présence d’un accident pour le moins heureux, la généralisation involontairement produite par Andrews renforçant de façon considérable l’impact de la « conclusion » et s’inscrivant à merveille dans le cheminement de son personnage.

En dépit de son intérêt pour les études tourneuriennes et, plus largement, pour l’histoire du cinéma, Beating the Devil : The Making of Night of the Demon n’est cependant pas exempt de défauts plus ou moins préjudiciables. Passe encore que ses nombreuses citations se trouvent dépourvues de références, l’ouvrage ne se veut pas universitaire et cette regrettable pratique a cours ailleurs. Il revient alors au lecteur de se plonger dans la bibliographie présente en fin de volume pour tenter de les identifier tant bien que mal. Mais Tony Earnshaw manifeste aussi une fâcheuse tendance à avancer des idées, à formuler des jugements, à parler d’existence de preuves (p. 24) sans étayer le moins du monde ses propos. Ainsi soutient-il, à propos de la présence invisible qui accompagne Karswell à la fin de Casting the Runes, qu’« aucun public de la fin des années cinquante n’aurait toléré une telle suggestion » (p. 7) ; or cette tentative de justification de la présence du démon dans le long métrage ne peut manquer de paraître péremptoire telle qu’elle est énoncée par l’auteur. Plus important peut-être, M. R. James aurait pensé terminer son récit par un paragraphe où une « gigantesque chose ailée » (note 2, p. 21) se serait envolée, information des plus piquantes qui n’est malheureusement ni documentée ni exploitée. Il aurait aussi fallu expliquer quelque peu ce que la classification X signifiait dans le contexte de l’Angleterre des années cinquante pour que les critiques adressées au scénario cessent d’être simplement anecdotiques. Bref, au fil des pages noircies par Tony Earnshaw, certaines informations inédites ou excitantes surgissent, mais il reviendra sans conteste à d’autres chercheurs de les exploiter pleinement dans le futur.

Frank Lafond
(compte rendu publié dans Rendez-vous avec la peur, n° 2, avril 2007, pp. 89-90)

© Frank Lafond, 2005

mardi 5 juin 2007

Jacques Tourneur, les figures de la peur

Comment commencer un blog dédié à Jacques Tourneur de meilleure façon qu'en annonçant la publication récente de mon livre qui lui est consacré ?

http://frank.lafond.free.fr/couvtourneurgrande.jpg

Jacques Tourneur, les figures de la peur

Collection « Le Spectaculaire », série « Cinéma », Presses Universitaires de Rennes.
248 pages, plus 16 pages d'illustrations (photographies, publicités d'époque, etc.).
Format : 17 cm sur 21 cm. ISBN : 978-2-7535-0371-7.

Prix : 20 euros.


Sur la quatrième page de couverture, apparaissent les quelques lignes de présentation suivantes :

« L’ai-je vu ou ne l’ai-je pas vu ? », telle était, selon Jacques Tourneur, la réaction qu’aurait dû engendrer le démon de Rendez-vous avec la peur (1957), si seulement le film avait pu échapper aux velléités bassement commerciales de son producteur. À partir de semblables déclarations et d’analyses souvent justes mais toujours incomplètes, les critiques comme les universitaires ont réduit l’esthétique du cinéaste à un art de la suggestion, à une expérience herméneutique. Pourtant, sa démarche cherche aussi à impliquer physiquement le spectateur dans la fiction, grâce à diverses stratégies énonciatives, tant sonores que visuelles, qui visent toutes à le mettre directement en danger.
Le présent ouvrage se propose d’étudier les « figures » de la peur, expression prise dans une pluralité de sens, formels et thématiques. Pour Tourneur, la peur façonne à chaque instant tout être humain, ce qui explique l'omniprésence de ce sentiment dans son œuvre, même en dehors des genres ou cycles – le fantastique et le film noir – où il se manifeste par essence. Dans un jeu de miroirs complexe, les personnages principaux et leurs opposants l’éprouvent et le provoquent : ils rejoignent ainsi un cercle de la peur dont nul n’est jamais tout à fait exclu. Une lecture détaillée de trois films (Vaudou, Rendez-vous avec la peur et The Fearmakers) vient clore le volume et s’efforce de cerner, en le légitimant, le fonctionnement de la peur.